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D’une élection aux autres - le 12/10/2011

vendredi 2 décembre 2011, par airap8

D’une élection aux autres Partir d’un bilan pour se projeter lucidement dans l’avenir François Castaing, le 12/10/2011

L’élection d’un président pour un mandat de 7 mois va être l’occasion d’engager un premier bilan de l’action entreprise depuis 2008 et de porter une appréciation sur celui-ci puisque Pascal Binczak a fait acte de candidature. Une lecture critique de ce bilan s’impose non seulement par honnêteté, mais aussi parce qu’il prépare l’échéance suivante qui sera celle de l’élection de nouveaux conseils, sur la base d’orientations pour le devenir de l’université. De la qualité de ce débat, et des propositions qui pourront émerger, va dépendre l’émergence d’une nouvelle équipe pour candidater à des postes de responsabilités dont chacun mesure l’importance. Il est souhaitable qu’avril 2012 soit l’occasion d’un renouvellement important des élus et nombre des anciens élus, dont je suis, ne seront donc pas candidats.

Ne jamais oublier d’où l’on vient

Quand en 2006 les trois conseils élisaient à une très large majorité Pascal Binczak comme président de l’Université, cela s’expliquait par une opposition très franche au bilan du président précédent qui s’était exprimé dès 2005. A l’échelle de la vie universitaire et de son fort renouvellement au cours des dernières années, cela peut déjà sembler de l’histoire ancienne. Et pourtant, il est nécessaire de rappeler que la situation de l’université que nous avons trouvée en 2006 était fort dégradée et que les tâches de gestion nécessaires pour les remises à niveau indispensables ont absorbé un temps considérable et pour beaucoup invisible. Il semble nécessaire de le rappeler pour une double raison. La première est que ces remises à niveau ont été éprouvantes pour tous car il a fallu faire en accéléré ce que d’autres universités avaient fait sur des durées plus longues. Cela n’a semblé concerner dans un premier temps que les personnels administratifs (et notamment dans les services centraux) mais la mise en place d’Apogée aura montré à une échelle plus large les difficultés que cela entraîne. La deuxième est que ces remises à niveau sont fragiles alors même que les réformes de la « gouvernance » (sic) des universités les rendent encore plus indispensables si l’on ne veut être rapidement contraint à mettre la clef sous la porte. A l’heure où le renouvellement des équipes se pose, il faut conserver cette donnée à l’esprit, les vieux démons ne sont pas tous morts.

Un bilan qu’il faut contextualiser

Au contexte évoqué ci-dessus, il faut ajouter bien évidemment le tournant qu’aura constitué l’adoption de la LRU en 2007, la mobilisation qui s’en suivi et son échec. Ce contexte est à prendre en compte à la fois dans ses effets sur la vie institutionnelle de l’université mais aussi dans ceux concernant les espaces de débat collectif. Pour ce qui est du premier aspect, alors même que les conseils tentaient de remettre sur pied des règles, plus transparentes, plus justes, plus cohérentes avec notre attachement au service public, la loi nous imposait une gestion plus « entrepreneuriale » avec les compétences élargies, une contractualisation systématique avec des champs d’application plus étendus tant dans la recherche, les formations que les financements, le feu roulant des évaluations sous le sceau des excellences, des restructurations du paysage universitaire avec les partenariats, etc. Or nous avons été élus en opposition à ces réformes, pour tenter d’incarner tout à la fois des formes de résistance mais aussi de porter un projet pour notre université.

Sur tous ces dossiers, nous sommes encore au milieu du gué dans la mesure où ce qui a été mis en place ne produira ses effets que dans les mois à venir. La question qui nous est posée est donc celle de savoir si ce qui a été fait nous met dans une position favorable pour le devenir de notre université ou si au contraire d’autres voies auraient dû être prises. Les équilibres qui ont été délibérés, forcément au cœur de contradictions, sont ils pertinents ?

Une volonté affirmée de s’inscrire dans des partenariats

Sur les partenariats, quoi que nous pensions de leurs motivations premières du point de vue de la politique gouvernementale, le pire à craindre aurait été celui d’un splendide isolement. Tel n’est pas le cas aujourd’hui d’abord et avant tout en raison de notre implication dans le campus Condorcet dont nous ne devions pas faire partie initialement. Rappelons en effet que cette implication n’est pas allé de soi tant nos actuels partenaires n’ont pas fait preuve d’un grand enthousiasme quant à notre implication, et que ce résultat est le fruit d’un engagement très important porté notamment par le président. De plus en plus, la logique voudrait que ce campus Condorcet mute en Pres et absorbe le projet de Pres Hesame. Ce résultat semble moins que jamais inatteignable. Cela ne règlera pas tout, loin s’en faut. Car du point de vue des partenariats comme de celui des politiques d’excellence (sic), nous devons avoir comme préoccupation permanente de prendre en considération des points de vue contradictoires. Tant les partenariats que les Polex ont comme vocation des restructurations du monde de l’enseignement et de la recherche qui recentreraient les financements sur quelques sites et quelques domaines au détriment de tout ce qui fait que l’université est un service public, destiné à tous et travaillant sur la base de l’indépendance intellectuelle et de l’esprit critique. Ce point de vue ne doit pourtant pas nous conduire à refuser les partenariats ou à ne pas prétendre à des labex au-delà de la terminologie qui n’est pas nécessairement la nôtre car cela nous conduirait très rapidement à une véritable asphyxie. En revanche, il nous revient de déterminer le type d’articulation que nous devons envisager entre le partenariat engagé dans le cadre d’un Pres et les autres partenariats (ou ce qui ne donne pas lieu à partenariat), entre ce qui bénéficie de financements Polex et ceux qui n’en bénéficient pas, construire des complémentarités et non des oppositions. Tout se jouera, en permanence, sur le fil. Mais le bilan actuel est que ce débat là reste possible parce que nous avons continué à tenir les deux bouts de notre démarche. Il nous reste à dégager les axes des péréquations que nous jugeons nécessaires.

Ne pas opposer démocratisation et qualité du service public d’enseignement

Dans le même esprit, et parce que l’enseignement est tout autant au cœur de notre université, nous devons savoir combiner à la fois notre attachement à la démocratisation du service public, qui est fondé sur un libre accès de tous les bacheliers à nos cursus, et les exigences académiques qui sont la garantie de pouvoir maintenir, avec du sens, le lien entre l’enseignement et la recherche. Il ne suffit pas d’accueillir tous les étudiants, encore faut-il les faire réussir. Maintenir les deux termes de l’exigence est en partie contradictoire avec les injonctions ministérielles notamment en termes d’évaluations fondées prioritairement sur des taux de réussite ou d’insertion, sauf à sélectionner massivement à l’entrée de l’université. A contrario, ignorer nos obligations en termes de réussite nous conduirait tout droit vers des collèges universitaires dont le peu d’attractivité rejaillirait brutalement sur l’avenir de nos masters et de nos recherches. Or nous vivons quotidiennement le poids de ces contradictions dans nos cours de premier cycle par exemple au moment des examens. Nous avons pu développer toute une série d’initiatives, du tutorat à l’accompagnement pédagogique, mais essentiellement sur la base des propositions émanant des formations, sans a priori. Il nous revient maintenant de les analyser, d’évaluer leur plus ou moins grande pertinence, et de dégager les pistes les plus fructueuses en termes de remédiation de l’échec universitaire. Le poids des réformes structurelles dites du LMD ont produit des effets en termes de distanciation entre les licences et le deuxième cycle que constitue le master. Pourtant, nous avons, en général, maintenu cette idée que la licence donnait droit à poursuite d’études et que le curseur sélectif se situait à la fin du M1. Qui peut contester que ce positionnement s’affaiblit par la force des dérives institutionnelles qui nous sont imposées et de l’environnement concurrentiel porté par les autres universités. Ne doit on pas avoir une réflexion sur les ajustements nécessaires, sur, là encore, l’articulation entre des pratiques jugées comme complémentaires à l’échelle de l’établissement plutôt que de risquer de les laisser exister de façon concurrente en notre sein ? Ces discussions sont d’autant plus importantes à la veille du quinquennal que nous savons nos moyens limités, que toute innovation ou continuation repose sur des fonds par avance délimités, que les choix fait dans telle formation auront des incidences sur les choix que pourront faire les autres. Une logique d’établissement est dorénavant la règle, et cette logique ne peut se comprendre comme une simple agrégation de l’activité de ses composantes. Cela peut parfois heurter nos expériences héritées d’une longue histoire, où les critères de gestion (comme ceux de San Rémo) affectaient plus ou moins directement ou automatiquement à tel diplôme ou tel labo des moyens déterminés. Soit on prend acte de cette évolution, et on tente d’établir des critères et des orientations à l’échelle de l’établissement, soit on l’ignore, et c’est le risque majeur d’une foire d’empoigne entre les composantes. De ce point de vue le « dialogue de gestion » avec les UFR est un progrès même si ses formes doivent évoluer vers une approche plus collaborative.

La quadrature « maintenance et nouvelles implantations »

Du point de vue de la vie de l’université, nous payons encore le prix fort des retards de financement quant à la mise à niveau de nos infrastructures. Les efforts qui ont pu être fait sont souvent réduits à néant par une maintenance qui a du mal à suivre (que d’histoires à raconter sur les ascenseurs, les toilettes, les portes automatiques[sic]). Notre préoccupation a été de combiner nouvelles installations et efforts de remises à niveau. A ne s’occuper que de la maintenance (qui à elle seule pourrait absorber tous nos moyens), nous serions dans l’incapacité de nous projeter dans de nouvelles installations comme la maison de l’étudiant, celle de la recherche, etc. A ne s’occuper que de nouvelles infrastructures, cela donnerait le sentiment d’un abandon pour les occupants des anciens locaux. On peut se gausser d’avoir un hall d’exposition, comme on se gaussera sans doute d’avoir une salle des thèses digne de ce nom, mais il est parfois utile, pour tous, de ne pas se sentir condamné à des locaux en mauvais état dès lors que personne n’est exclu de l’accès à ces nouveaux lieux.

Un contexte difficile du point de vue des conditions de travail

Les importants bouleversements d’un côté, le retard pris les années antérieures dans la rénovation de nos systèmes de gestion, l’importance des innovations technologiques, le tout s’est combiné ces trois dernières années et a pu donner le sentiment que l’université était en grand chantier. Et c’est assez juste. Cela a incontestablement bouleversé les façons de travailler, à tous les niveaux, avec de réelles surcharges de travail. Certes, tout le monde n’est pas touché de la même façon, mais cela conduit paradoxalement à en amplifier le dur ressenti. C’est sans doute l’un des domaines où le bilan de l’action des conseils et de la présidence souffre le plus de faiblesses. Non pas que les chantiers n’aient pas été nécessaires, mais leur multiplicité aurait peut-être du donner lieu à plus d’explications pour mieux en donner le sens. Sans doute cela aurait-il été plus facile si l’université avait disposé de largesses budgétaires permettant d’accompagner les implantations de logiciels. Sans doute avons nous sous estimé le poids des résistances, de nature d’ailleurs très différentes. Mais ce qui est frappant est de constater que ces implantations ont souvent joué un rôle de révélateur sur les modes de travail et leurs faiblesses plus encore que sur les logiciels eux-mêmes.

Ce bilan partiel, et sans doute partial, ne saurait être complet. Mais on ne saurait le conclure sans aborder la question du collectif et de la collégialité, notions qui sous-tendent elles deux l’inoxydable débat sur la méthode.

Collectif et collègialité

Elus en 2008, nous l’avons été portés par la vague de la mobilisation anti LRU de 2008, prolongée en 2009. La référence au cadre collectif et à la collégialité était d’autant plus nécessaire – et aisée – qu’elle exprimait le refus de ce qui se mettait en place et à un moment où le mouvement social que connaissaient les universités donnait consistance à cette idée de collectif comme rarement les universitaires avaient connu. Cela a été incontestablement une force et un atout contribuant à une plus grande immersion des élus et du président dans la vie quotidienne de l’université. Sans surprise, pour qui veut bien être lucide, la force du collectif s’est très largement amoindrie à compter de 2009, la défaite contre la LRU étant manifeste. Et le poids de la défaite a été rude. Sur la nature des débats, sur les effectifs réunis, sur l’existence même de cadres collectifs. Il n’en demeure pas moins que la vie de ces cadres collectifs n’est pas du ressort des instances. La collégialité est une notion plus confuse dans nos échanges car renvoyant à deux notions très différentes. L’une renvoie à l’idée que la « communauté universitaire » constitue un collège, et ce faisant, la collégialité à une forme de démocratie directe voire au registre précédent du collectif. Une autre renvoie à une logique corporative fût-elle élective et ce faisant largement hiérarchisée, à l’image des collèges électoraux. Entre les deux, il y a une conception qui renvoie à l’idée d’irriguer une communauté toute entière de ses débats sans pour autant diluer les lieux de décision. De ce point de vue, nous pourrions citer d’un côté l’existence de comités consultatifs – pour préserver la collégialité des prises de décision en terme de recrutement des enseignants-chercheurs par exemple – et de l’autre la tenue régulière d’assemblées ouvertes y compris sur des sujets qui fâchent. Entre les deux, le travail des instances et leur délibération occupe une place plus que discernable, car ce sont les seules instances qui émanent d’une représentation identifiée. Pour ceux qui en auraient la curiosité, le compte rendu des CA témoignent de l’ampleur des débats qui les traverse, de la longueur de leur ordre du jour et de leur périodicité qui rendent peu crédible le discours sur leur inaction. Cette articulation entre procédures institutionnelles, assemblées régulières, travail des instances est celle qui nous a semblé incarner le mieux la notion de collégialité. Il n’en reste pas moins que les relations avec la tutelle – qui reste bien présente – autant que les contraintes de la gestion (administrative, financière, pédagogique, etc) – pèsent indubitablement en faveur d’un rétrécissement des lieux de décision. Le choix fait de renforcer des emplois sur des fonctions stratégiques, choix impératif, pose dans le même temps la question de l’équilibre avec des fonctions plus « politiques » incarnées par les élus. Cet équilibre suppose une présence effective des élus jusque dans la gestion quotidienne et pose la question de comment étoffer leur présence si l’on veut contrecarrer les logiques structurelles à une certaine centralisation des décisions. Même dans les instances, faire vivre du collectif n’est pas chose aisée.

Et demain ?

A travers ces éléments de bilan, se dégagent les lignes de force autour desquelles il convient de travailler dans la perspective non seulement du quinquennal mais aussi des élections d’avril 2012.Car il est souhaitable que ces élections soient un moment privilégié de débat en termes de projet pour notre université. Il est inutile de prétendre à un bilan irréprochable. Les contradictions et les pressions sont trop fortes pour ne pouvoir ne serait-ce que l’envisager. Y résister ne suffit pas ou, plus exactement, y résister n’est possible qu’à partir d’une projection vers ce que nous souhaitons pour notre université. Si le discours de la méthode a son importance – et ses pratiques plus encore – celui-ci n’y suffira pas. Car les principes et le projet qu’il faudra défendre ne tiendront que portés par la communauté universitaire, dans un contexte où tant les logiques entrepreneuriales qu’un environnement fortement concurrentiel ne leur seront pas favorables. L’élection de Pascal Binczak le 21 octobre, exprimant la volonté des instances d’achever le mandat qui est le leur jusqu’en mai 2012, favoriserait sans aucun doute la préparation de telles échéances dans un climat serein d’autant plus indispensable que nous souhaitons un débat passionné.

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